Par Julien Bondaz
Maître de conférences en anthropologie à l’université Lumière Lyon 2, Julien Bondaz poursuit ses recherches sur les patrimonialisations en Afrique de l’Ouest, articulant ethnomuséologie, anthropologie de l’art, anthropologie de la nature et histoire de la discipline.
Il s’intéresse tout particulièrement aux objets rituels et aux animaux sauvages collectés et mis en exposition dans les contextes rituels et muséaux, et aux enjeux politiques, religieux ou développementistes qui en résultent. Il consacre également une partie de ses recherches à l’anthropologie urbaine et à l’ethnopsychiatrie, toujours en Afrique de l’Ouest.
Pourquoi certains animaux reviennent-ils fréquemment dans l’univers du bestiaire magique ?
Par-delà la diversité des formes de magie pratiquées à travers le monde, il existe plusieurs universaux dont l’un des plus marquants interroge les rapports entre les humains et les animaux. Le monde des bêtes sauvages, universellement conçu comme le double ou l’envers de celui des humains, est généralement considéré comme étant lié aux entités invisibles.
De nombreux animaux sont dotés de pouvoirs occultes, susceptibles d’être appropriés par des spécialistes magico-rituels.

Chamans, devins-guérisseurs, sorciers et contre-sorciers sont réputés capables d’emprunter certaines compétences aux animaux, voire de se transformer en bêtes. Plusieurs principes expliquent que certaines espèces zoologiques soient privilégiées dans les récits de transformation : des animaux nocturnes (puisque les pratiques occultes sont souvent associées au monde de la nuit), des prédateurs exemplaires (la sorcellerie et la contre-sorcellerie étant comparées à la chasse et à la dévoration), des espèces venimeuses (le poison étant considéré comme l’une des armes des sorciers) ou encore des animaux considérés comme hybrides, tels l’oryctérope ou la chauve-souris (qui apparaissent comme de possibles médiateurs entre les mondes visibles et invisibles).

Animaux bénéfiques ou maléfiques ?
Une grande ambivalence s’observe : les compétences des animaux peuvent être mobilisées aussi bien à des fins bénéfiques que maléfiques. Les oiseaux par exemple, dotés de la compétence du vol, illustrent à la fois la capacité de passer du monde des humains à un outre-monde, ce qui permet d’évoquer le voyage chamanique, et le pouvoir de voir sans être vu, capacité associée à la sorcellerie.
Parmi ces familles ou espèces zoologiques figurent également les auxiliaires ou les doubles animaux des magiciens et des sorciers, qui les utilisent comme véhicules ou comme armes.
Nombre d’entre eux ont aussi pour compagnons des animaux familiers dotés de capacités extraordinaires : chat capable de voir la nuit ou chien de chasse, tous deux compétents pour repérer des entités maléfiques, par exemple.
À chaque fois, des caractéristiques zoologiques ou éthologiques justifient les usages magiques des animaux ou leurs affinités avec les sorciers. Ces relations privilégiées reposent donc moins sur un travail de l’imagination que sur la mobilisation de connaissances naturalistes souvent détaillées.
En ce sens, il y a une véritable écologie de la magie.